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L’avenir des piles à combustible passe par l’analyse de la qualité de l’hydrogène

By 16 March 2018PRESS RELEASE

ARTICLE PARU DANS LA REVUE MESURES N°901 – AUTEUR : CÉDRIC LARDIÈRE

Avec l’arrivée commerciale des premiers véhicules alimentés à l’hydrogène, de nombreux enjeux économiques et technologiques apparaissent. Parmi ceux-ci, on trouve l’obtention d’un hydrogène avec une excellente pureté, condition essentielle pour des piles à combustible de qualité. Des projets européens sont en cours pour faire évoluer les normes, ce qui se traduit par l’évaluation des risques de nuisance des impuretés dans l’hydrogène et le développement de méthodes analytiques pour les ultra-traces.

L’hydrogène, ou dihydrogène (H2), utilisé comme source d’énergie pour le transport peut sembler encore une idée farfelue pour le commun des mortels, mais l’annonce de Nexo, la prochaine génération de véhicules électriques alimentés à l’hydrogène, par le constructeur coréen Hyundai lors de l’édition 2018 du Consumer Electronic Show (CES), qui s’est déroulé du 9 au 12 janvier à LasVegas (états-Unis), et lamise en service des premiers vélos électriques à hydrogène en France, à Cherbourg et Saint-Lô, le 11 décembre dernier par la PME biarrote Pragma Industries, montrent bien l’essor de ce nouveau vecteur d’énergie.

Comme l’électricité, l’hydrogène est en effet perçu comme une énergie propre car il permet une utilisation de ressources variées et renouvelables. La production de H2 pur est issue de l’électro-yse de l’eau (H2O), selon la réaction suivante : H2O + énergie = 1⁄2 O2 + H2. Cela permet, par exemple, de valoriser les surplus de production d’électricité. Autres avantages de l’hydrogène, cette énergie se caractérise par une réduction des énergies fossiles et des gaz à effet de serre – les véhicules alimentés à l’hydrogène n’émettent que de la vapeur d’eau – et une production plus locale. Cela se traduit notamment par l’indépendance énergétique des pays, une meilleure valorisation des productions d’électricité locales en heures creuses. Et l’hydrogène présente même des avantages sur l’électricité : un stockage d’énergie plus simple, où le H2 est stocké sous pression, ce qui évite le recours à des batteries électriques, la réduction des coûts de transport, la production pouvant se faire sur site ou l’hydrogène pouvant être acheminé via des pipelines. Comme le H2 peut-être stocké de nombreuses façons et que les piles à combustible à hydrogène sont transportables et adaptables, il existe beaucoup d’applications potentielles, telles que les véhicules (voitures, bus, vélo), les générateurs d’électricité indépendants, les batteries de téléphone, etc.

Schéma d’une station d’hydrogène

Pour le développement des véhicules alimentés à l’hydrogène, l’un des enjeux est de construire les stations de recharge en H2. Mais la qualité de l’hydrogène dépendra du fournisseur et de son procédé de fabrication, d’où tout l’intérêt de pouvoir déterminer la présence, ou non, d’impuretés au niveau des ultra-traces.

AP2E EST IMPLIQUÉ DANS DEUX PROJETS EUROPÉENS

Mais tout n’est pas parfait. De par leur fonctionnement, les piles à combustible à H2 sont notamment sensibles aux impuretés de l’hydrogène, d’où un impact sur la qualité et les performances des piles (même en présence d’impuretés à l’état de trace) et, au-delà, un problème de responsabilité qui peut se poser. En cas de défaillance, à qui incombe la faute : au fabricant des piles à combustible ? Au gazier ? Au fabricant du véhicule ou de la station de H2 ? A l’utilisateur final ? Parmi les autres enjeux liés à l’hydrogène, on trouve également l’aspect normatif car, même s’il existe des normes européennes, elles sont aujourd’hui obsolètes. Il y a donc pas mal de choses qui bougent sur ce secteur.

Dans le cadre de l’initiative EMPIR (European Metrology Programme for Innovation and Research), l’association européenne des instituts nationaux de métrologie (Euramet) a par exemple lancé les projets européens Hydrogen, dont les objectifs sont l’identification des impuretés problématiques, la quantification de leurs effets sur la durée de vie de la pile à combustible et la recherche de technologies de mesure disponibles sur le marché, et MetroHyVe. Les travaux de ce projet portent sur la recherche de technologies de mesure disponibles sur le marché, la validation de performances et la réalisation de tests d’intercomparaison. D’une durée de trois ans (du 1er juin 2016 au 31 mai 2019) et coordonné par le Laboratoire national d’essais et de métrologie (LNE), le projet de métrologie pour les applications durables d’énergie hydrogène (Hydrogen) réunit quatre autres instituts de métrologie nationaux et des industriels, dont Air Liquide,Areva H2Gen, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Quant au projet Métrologie pour les véhicules à hydrogène (MetroHyVe), il est piloté par le National Physical Laboratory (NPL) britannique pour une période de trois ans – il a été lancé en juin 2017 – et regroupe huit autres organismes et des industriels.

Le fabricant français AP2E est d’ailleurs impliqué dans ces deux projets européens, pour apporter son expertise sur la mesure d’ultra-traces d’impuretés dans l’hydrogène. Intéressons-nous d’un peu plus près au projet Hydrogen qui a pour but de revoir la norme actuelle ISO 14687-2:2012 sur la pureté de l’hydrogène, pour permettre une implantation pérenne de l’hydrogène en tant que combustible. L’enjeu est de mieux évaluer le risque de nuisance des impuretés dans l’hydrogène sur les piles à combustible et de développer des méthodes analytiques pour quantifier ces impuretés, pour garantir la qualité du H2 pour les piles à combustible. Pour cela, l’état de l’art des méthodes analytiques disponibles pour la mesure des impuretés d’hydrogène mentionnées dans la norme ISO 14687-2:2012 a été passé en revue, afin de permettre l’identification des zones à améliorer et d’autres plans à développer en termes de méthodes analytiques.

La présence d’impureté dans l’hydrogène industriel est issue du procédé de fabrication du H2, et le type d’impuretés dépend également du procédé en question. L’hydrogène est principalement produit par la reformation à la vapeur d’hydrocarbures qui implique une réaction à haute température (+ 700 à + 850 °C) des hydrocarbures (de C1 à C4) avec de la vapeur d’eau pour produire du monoxyde de carbone (CO) et de l’hydrogène. De l’hydrogène supplémentaire est produit au cours de la combinaison subséquente avec un abaissement de la température (+ 200 à +600°C) de l’eau par le CO, pour former du dioxyde de carbone (CO2) et de l’hydrogène.

VERS UNE RÉVISION DE LA NORME ISO 14687-2 ?

Il est ensuite purifié en utilisant une gamme de méthodes de séparation (membranes inorganiques, métalliques ou céramiques, séparation cryogénique, méthode d’adsorption modulée en pression, etc.). L’hydrogène peut également être facilement produit à partir de l’énergie électrique (électrolyse de l’eau) émise par des sources d’énergie renouvelables, comme le photovoltaïque, l’éolien et l’énergie hydraulique, ou des biomasses par différentes technologies de traitement. Comme les impuretés d’hydrogène restent dans les installations et peuvent s’accumuler pendant l’électrolyse et perturber les réactions électrolytiques, l’eau doit être aussi pure que possible.

La norme ISO 14687-2:2012 liste les concentrations maximales pour 13 impuretés gazeuses (voir tableau page 34) qui ne devraient pas être dépassées dans les piles à combustible alimentées en hydrogène. La norme suggère d’évaluer les concentrations molaires d’impuretés dans l’hydrogène produites par différentes méthodes. Ces techniques présentent des limites de détermination (ou de quantification) qui sont souvent à peine inférieures aux spécifications de la norme, voire même plus élevées pour le formaldéhyde et les composés halogénés totaux.

Parmi les techniques qui ont fait l’objet de l’étude comparative dans le cadre du projet européen Hydrogen, on trouve notamment l’analyse de point de rosée, la spectroscopie CRDS (Cavity Ring Down Spectroscopy), le système de couplage chromatographie en phase gazeuse spectrométrie de masse (GC-MS) avec ou sans injection à air pulsé, la spectroscopie infrarouge par transformée de Fourier (FTIR), l’OFCEAS (Optical Feedback Cavity Enhanced Absorption Spectroscopy), la détection à ionisation de flamme (FID), la chromatographie ionique avec concentration, la spectroscopie de masse à plasma à cou- plage inductif (ICP-MS) et d’autres systèmes de couplage chromatographique (GC-TCD, GC-PDHID, GC- ELCD,TD-GC-MS, etc.).

Les premiers résultats de l’étude comparative montrent qu’il est possible d’analyser 11 des 13 impuretés de l’hydrogène gazeux en couplant deux techniques, à savoir la CRDS et la GC-MS avec préconcentration, en prenant en compte qu’un système CRDS est nécessaire par impureté recherchée. Il reste néanmoins encore des développements à faire. La validation de l’analyse de l’hélium avec la méthode GC-MS et la conformité à la spécification doit être qualifiée, et l’analyse de l’acide formique doit être validée avec la méthode CRDS selon la spécification de la norme. La technique GC-MS peut être mise en œuvre pour la détermination de la plu- part des halogénures organiques, mais pas pour celle des halogènes diato-miques réactifs lorsqu’une autre méthode est recommandée. Enfin, les composés soufrés peuvent être analysés (de préférence par une méthode de spéciation) avec une technique adaptée et qualifiée.

EXIGENCE DE QUALITÉ DE L’HYDROGÈNE SPÉCIFIÉE PAR LA NORME ISO 14687-2
Composés Concentrations maximales
Eau 5 μmol/mol
Hydrocarbures totaux 2 μmol/mol>
Dioxygène 5 μmol/mol
Helium 300 μmol/mol
Azote total et Argon 100 μmol/mol
Dioxyde de carbone 2 μmol/mol
Monoxyde de carbone 0,2 μmol/mol
Composés soufrés totaux 0,004 μmol/mol
Formaldéhyde 0,01 μmol/mol
Acide formique 0,2 μmol/mol
Ammoniac 0,1 μmol/mol
Composés halogénés totaux 0,05 μmol/mol

LA TECHNIQUE OFCEAS TRÈS BIEN PLACÉE

Étant donné que la technique développée par AP2E s’appuie sur le même principe de mesure que la méthode CRDS (voir Mesures n° 829), l’OFCEAS a été référencé comme étant capable d’analyser différents composés. La société a ainsi développé un analyseur ProCeas pour la mesure des composés demandés, avec la possibilité soit de mesurer un ensemble de composés, soit de se concentrer sur les composés les plus critiques en fonction de l’application ou du procédé. Rappelons que l’OFCEAS (*) utilise le principe d’une cavité étendue associée à des miroirs de haute réflectivité pour accroître la longueur des trajets optiques jusqu’à une dizaine de kilomètres (au lieu d’une dizaine de mètres) et donc d’abaisser les limites de détection au ppb.

Les deux principales originalités de la technologie d’AP2E sont son principe de “Feedback” et la mise en basse pression de la cuve et de l’ensemble de la chaîne de prélèvement. Avec le Feedback, une partie du rayonnement émis est renvoyée de la cavité vers le laser, permettant d’accorder le laser et la cuve pour créer un phénomène de résonance. On obtient alors l’émission de longueurs d’onde d’intensité particulièrement forte et de largeur spectrale très fine. Il en résulte une mesure d’une très haute résolution spectrale.

La seconde innovation, baptisée Low Pressure Sampling (LPS), permet de véhiculer l’échantillon de gaz du point de prélèvement à l’analyseur, sans système de traitement des prélèvements ni lignes chauffées. Il n’y a également aucun risque d’absorption/désorption des composés et de condensation car on se situe en dessous du point de rosée: l’intégrité des échantillons est ainsi assurée. Autres avantages, le faible débit d’aspiration (10l/h, près de 10 fois moins qu’avec les appareils concurrents, d’où un volume de seulement 1 ou 2 l) permet d’obtenir des temps de réponse inférieurs à 10s et de réduire l’encrassement du système d’échantillonnage. S’il reste encore des développements à faire, comme de nouvelles techniques de mesure au niveau ppb pour l’acide formique, et la poursuite des projets européens, AP2E fonde beaucoup d’espoirs sur le marché de l’hydrogène comme source d’énergie d’avenir, la société ayant d’ailleurs déjà enregistré des commandes. L’enjeu est de construire les stations de recharge en H2 –toutes les stations ne seront pas associées à un même fournisseur et donc à une même production, des installations indispensables pour le développement des véhicules alimentés à l’hydrogène.

David Chauvel, directeur commercial d’AP2E et Etienne Smith, commercial Europe chez AP2E Article adapté par Cédric Lardière

(*) Les technologies OFCEAS et LPS sont exploitées exclusivement par AP2E via les brevets respectifs WO 03031949 et WO 2010058107.